La Fourmi de Langton

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Extrait de “La science du Disque-Monde“  de Terry Pratchett, Ian Stewart et Jack Cohen (traduit par Patrick Couton et Lionel Davoust) :

La fourmi erre sur une grille infinie. Chaque fois qu’elle entre sur une case, celle-ci change de couleur (du noir au blanc ou du blanc au noir); de plus, quand elle arrive sur une case blanche, elle tourne à droite; si c’est une case noire, elle tourne à gauche. Nous connaissons donc la théorie du tout gouvernant l’univers de la fourmi, la règle qui oriente l’ensemble de son comportement en décidant des événements à petite échelle : cette règle “explique” tout ce qui se produit.

En réalité, quand on lance la fourmi, on observe trois types de comportement différents. Tout le monde, mathématicien ou non, les repère aussitôt. Quelque chose, dans nos esprit, nous rend sensibles à la différence, et cela n’a rien à voir avec la règle. Celle-ci reste immuable; pourtant, nous repérons trois phase distinctes.

  • SIMPLICITÉ. Pendant ses deux ou trois cents premiers mouvements sur une grille uniformément blanche, la fourmi crée de minuscules motifs, très simples et bien souvent symétriques. Vous la regardez en pensant : “Bien sûr, nous avons une règle simple, cela donne des structures simples; nous devrions pouvoir décrire simplement ce qui se produit.”
  • CHAOS. Quand soudain, vous remarquez un changement. Vous vous retrouvez avec un gros pâté de carrés noirs et blancs, la fourmi erre plus ou moins au hasard et vous ne discernez aucune structure. Pour la fourmi de Langton, ce genre de mouvement pseudo-aléatoire se poursuit sur 10 000 étapes environ. Donc si votre ordinateur n’est pas très puissant, vous resterez là longtemps à vous dire : “Il ne va rien se passer d’intéressant, cela continuera indéfiniment de la sorte, c’est aléatoire, voilà.” Non, la fourmi obéit à la même règle qu’avant. Seulement, cela nous paraît aléatoire.
  • ORDRE ÉMERGENT. Finalement, la fourmi adopte un comportement répétitif particulier : elle construit une “autoroute”. Elle répète un cycle de 104 étapes, au terme duquel elle s’est déplacée de deux cases en diagonale; tout autour, formes et couleurs sont identiques à la configuration environnant la case de début de cycle. Et cela se répète à l’infini; la fourmi se contente de construire une autoroute en diagonale à l’infini.

Ces trois modes d’activité découlent tous d’une seule et même règle, mais ils opérent à un autre niveau. Aucune loi ne parle ici d’autoroute. Si le phénomène est manifestement simple, la règle ne dicte pas de façon frappante ce cycle de 104 étapes. En fait, les mathématiciens ne connaissent qu’une seule manière de prouver que la fourmi construit vraiment une autoroute : en parcourant ces 10 000 étapes. Ce n’est qu’une fois arrivé à ce stade qu’on peut affirmer : “Nous comprenons maintenant que la fourmi de Langton construit une autoroute.” Mais pas avant.[...]

La fourmi de Langton sera pour nous l’icône d’une idée fondamentale : l’émergence. Des règles simples peuvent engendrer des structures vastes et complexes.

Voila, c’est pas forcement nouveau, mais j’avais envie de faire une petite illustration pour ceux et celles qui ne connaitrait pas la fourmi. Je vous conseille de pousser le slider de vitesse au maximum si vous voulez avoir une chance de voir l’autoroute de votre vivant.

discEt  j’en profite en même temps pour faire de la pub pour Pratchett (même s’il n’en a pas vraiment besoin). Vous pourrez trouver La Science du Disque-Monde dans toutes vos bonnes librairies ( ou en cliquant sur l’image ) aux éditions L’Atalante. Un bon bouquin de vulgarisation scientifique qui va quand même pas mal dans le détail parfois. Les passages scientifiques sont entrecoupés par des passages de fiction se passant sur le disque-monde. On apprend plein de choses et on rigole, que demander de plus?


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